samedi 14 juin 2014

Dressé pour tuer ( White Dog )






Réalisation : Samuel Fuller
Scénario : Samuel Fuller et Curtis Hanson 
d'après Chien blanc de Romain Gary.
Durée : 1 h 25
Interprétation : Kristy McNichol, Paul Winfield, Bob Minor, Burl Ives...
Genre : Magistral plaidoyer.

Synopsis :

Sur les collines d'Hollywood, Julie, une jeune actrice, renverse avec sa voiture un berger allemand blanc perdu. En attendant que les propriétaires récupérent leur chien, elle se prend d'affection pour ce dernier qui, un soir, la sauve d'un violeur. Cependant il s'avère que ce chien est un « white dog», un animal dressé pour tuer les hommes de couleur noire.

Film inédit en dvd et blu ray dans notre zone, la ressortie en salles fin mai de Dressé pour tuer a poussé ma curiosité à aller le voir au cinéma. Bien sûr si uniquement les petites salles parrainées par le CNC le proposent, il est tout de même extrêmement plaisant de découvrir des films de cette qualité. Adaptation du roman de Romain Gary Chien Blanc, le film de Samuel Fuller est un formidable plaidoyer contre le racisme, un portrait réaliste et pessimiste sur la race humaine traité avec une intelligence remarquable. Un film très fort qui mérite d'être réhabilité d'urgence.

Mis à part quelques détails vestimentaires très eighties, ce film est concentré du meilleur du cinéma des années soixante dix autant dans la forme que dans le fond. Dressé pour tuer possède un sujet très délicat qui peut vite tomber dans le ridicule, le too much ainsi que le pathos très lourdingue. Ce ne sera jamais le cas car le formidable scénario ne tombe jamais dans la niaiserie et défend intelligemment jusqu'à la fin ses objectifs ainsi que son plaidoyer. Si l'intrigue paraît simpliste aux premiers abords, Samuel Fuller et Curtis Hanson (le futur réalisateur de L.A Confidential) arrivent à établir un formidable crescendo entre thriller horrifique de série B de grand luxe vers la conquête, l'espoir d'une reconversion du mal en bien pour le moins bouleversante.

Dressé pour tuer est un brillant mélange des genres qui mêle de manière magistrale le drame, l'expressionnisme en lorgnant avec du fantastique. Samuel Fuller s'en tire avec les honneurs. On retrouve du suspense horrifique, du drame émotionnel, un soupçon de comédie (sur le cinéma particulièrement) et surtout une critique extrêmement virulente sur les vices de la race humaine. Le film dénonce la haine raciale (racisme) ainsi que l'Être humain et son utilisation matérielle des animaux. Une peinture juste et féroce plombée par un réalisme scotchant. Le scénario nous porte tour à tour à croire, penser et espérer tout le long à réparer le mal de l'homme sous les traits de ce merveilleux chien blanc, parfaitement charismatique. Le cinéaste s'applique à filmer les animaux et les hommes de la même manière et en dégage des portraits fouillés et très émouvants. A l'aide également une nouvelle fois d'une merveilleuse bande originale de l'incontournable Ennio Morricone, l'émotion bouillonne encore plus. Le public est immergé devant ce bijou terriblement triste, saisit à la gorge par ce suspense horrifique et émotionnel qui grandit sans cesse jusqu'au bouquet final, tragique.

Fuller nous donne l'espoir à l'aide du très juste Paul Winfield dans le rôle du dresseur auquel le public s'identifie sans mal. Tous les personnages sont formidables, intenses y compris ce fameux Chien blanc, touchant. Le cinéaste est très tranchant et sec avec la transformation de ce chien blanc en animal dangereux et lorgne proche du meilleur de Spielberg et de Cronenberg. Par la suite, les scènes étirées au ralenties situées particulièrement lors des fabuleuses scènes du dressage rajoutent de l'émotion au suspense permanent. On est plongé dans du De Palma ou du Léone. Le cinéaste signe un résultat atypique, d'une émotion et d'un suspense absolument magnifique au point de rendre un film complètement épique. Samuel Fuller réussit à démontrer ses différents messages et propos avec une mise en scène entre fureur et une sensibilité émotionnelle époustouflante, sans oublier de particulièrement nuancer l'ensemble. La tristesse, la peur ainsi que la haine envers la cruauté de la race humaine en général s'installent de manière viscérale chez le spectateur. Ce dernier est rarement habitué à voir autant de thèmes soulevés et transporté dans un ballet cinématographique intense. Si White Dog a des allures de Série B c'est aussi parce que la commande originale des Studios pour ce film était un remake des Dents de la Mer de Spielberg mais avec des chiens. Mais ne vous y trompez pas il est rare de voir une œuvre de cette envergure, un peu à l'image du livre de Romain Gary.

Dressé pour tuer fut proposé à Tony Scott et Roman Polanski avant que ce soit finalement le cinéaste Samuel Fuller. Avant même sa sortie en salles, le film fut attaqué par des associations et gouvernements de lutte pour les droits civiques malgré son message anti raciste. Un boycott a rendu ce chef d'œuvre complètement transparent et inconnu du grand public. Une bien triste histoire également pour ce fabuleux White dog  qui est pourtant bien plus pertinent, intelligent, original et surtout beaucoup plus réussit que beaucoup de films qui ont abordés ces thèmes. Un tourbillon cinématographique dense, passionnant et rare un peu à l'image du roman de Romain Gary. L'auteur lui dans son livre va plus loin dans sa démonstration avec la démarche du dresseur qui va jusqu'à inverser l'utilisation du chien sur les hommes de couleur blanche. Si le livre de Romain Gary est un peu foutraque dans sa forme, son fond et ses envolées de styles et philosophiques sont absolument sublimes. Chien Blanc est un pensum réfléchi sur le racisme formidable. Je recommande autant la lecture du livre que la vision du film. Tous les deux différents mais superbes et passionnant dans le sujet. 

Dressé pour tuer est un formidable coup de maître pour le moins atypique à voir, à redécouvrir, absolument à la seule condition de ne pas être déprimé de la race humaine.

Note : 10/10

La dévédéthèque parfaite dans le même genre :

Taxi driver de Martin Scorsese, Il était une fois la Révolution de Sergio Léone, Les dents de la mer de Steven Spielberg, La mouche de David Cronenberg et Obsession de Brian De Palma.  

2 commentaires:

MaxLaMenace_89 a dit…

Voilà qui donne envie, je l'ai à portée de main depuis quelques temps il faut absolument que je saute dessus !

goodfeles a dit…

Oui c'est un gros coup de coeur ! On dirait du Brian De Palma et du Sergio Leone avec un message touchant ! C'est triste qu'il ne sorte pas en support en Europe