samedi 3 janvier 2015

Marie Heurtin



Réalisation : Jean-Pierre Améris
Scénario : Philippe Blasband et Jean-Pierre Améris
Durée : 1 h 30
Interprétation : Isabelle Carré, Ariana Rivoire, Brigitte Catillon...
Genre : Miracle dans la Loire

Synopsis :

Née sourde et aveugle, Marie Heurtin est incapable de communiquer avec le reste du monde. Malgré le scepticisme de sa mère supérieure, Soeur Marguerite se met au défi d'offrir le langage a Marie afin de la sortir de la nuit.

Inspirée d'une histoire vraie, Marie Heurtin est fort et touchant rien que pour son sujet sensible et délicat. Jean-Pierre Améris a été touché par le film d'Arthur Penn Miracle en Alabama et cela se voit. Le cinéaste voulait d'ailleurs les droits d'auteurs de la vie d'Helen Keller mais ces derniers étant trop chers il a fait des recherches ailleurs avant de tomber sur le cas de Marie Heurtin a peu près à la même époque mais en France. Sans recopier le classique d'Arthur Penn, le cinéaste a su capter et garder la force principale du film rendant Marie Heurtin touchant et formidablement bien interprété.

Dans Miracle en Alabama, Helen Keller (Patty Duke) est née dans une famille bourgeoise et possède un semblant de communication avec sa mère. C'est une ancienne aveugle (Anne Bancroft) qui s'occupe de cette fille intelligente avec une méthode rude. Dans Marie Heurtin, la famille de l'héroïne est plus modeste et bien plus proche de L'enfant sauvage de Truffaut. Soeur Marguerite n'est pas une religieuse dure mais beaucoup plus humaine. La démarche et le scénario sont différents et se penchent plus sur le côté réaliste et moins romancé que Miracle en Alabama. Les deux films restent similaires par leur absence de pathos laissant place à une émotion qui monte en beauté et en crescendo dans un éprouvant et passionnant apprentissage du langage. 

Le scénario n'en fait jamais trop, il est sobre et même parfois émaillé d'humour. La narration très classique nous raconte la longue et épuisante lutte du professeur à son élève, ponctuée de scènes émotionnelles particulièrement fortes et réussies. Comme Soeur Marguerite, le spectateur avance, recule, a de l'espoir puis est désespéré dans cette lutte aux valeurs universelles qui ne peuvent que nous toucher. Tout est juste, rien est grossier, ni artificiel ou too much. Marie Heurtin est un film beau et très touchant. Seulement comme l'année dernière avec le film de Felix Van Groeningen Alabama Monroe, on retrouve de l'émotion très audacieuse, juste et forte mais qui manque de profondeur et de subtilités dans le fond pour en faire un chef d'œuvre. Améris avait de quoi en faire un de chef d'oeuvre intemporel mais il ne possède pas le talent de cinéaste de le faire, il ne le tente même pas d'ailleurs préférant à s'en remettre principalement à ses deux actrices. Il manque une mise en scène plus forte avec des plans puissants. Même si le cinéaste est honnête et sensible tout n'est que trop gentiment illustratif. Ce n'en est pas pour autant frustrant car le film possède la beauté en premier plan, si belle et si rare au cinéma de nos jours qu'on apprécie pleinement la démarche. Améris est un cinéaste un peu comme Xavier Beauvois avec Des Hommes et des Dieux, des auteurs qui mettent en avant l'âme et la force du sujet avant toutes fioritures. Au final comme le film de Penn, l'interprétation et les scènes touchantes fonctionnent et c'est brillant. 

Alors qu'Anne Bancroft avait plus de force physique, et de psychologie dans son rôle d'ailleurs, c'est ici la rayonnante et formidable Isabelle Carré qui interprète cette professeur. Elle vient ajouter son talent une fois de plus par un espoir et une innocence permanente, débordante et communicative. L'actrice est touchante d'humanité et nous offre encore une magnifique composition. A ses côtés, Ariana Rivoire une jeune actrice, sourde dans la vraie vie est une véritable révélation. Elle est absolument incroyable dans sa composition de sourde et aveugle avide de découvertes. Tout en subtilité et en justesse, les deux actrices sont aussi merveilleuses que Bancroft et Duke qui ont justement été récompensés en 1963 par des oscars. Des interprétations féminines formidables, j'espère les Césars ne les oublieront pas.

Je recommande Marie Heurtin tout comme le film d'Arthur Penn Miracle en Alabama pour l'histoire véridique et incroyable, le sujet universel et touchant dans lesquels l'émotion sans pathos et l'interprétation féminine sont à l'honneur. Au final les deux films sont du même acabit, dégageant la même force émotionnelle malgré un abord différent. Améris n'est pas Arthur Penn mais il offre une âme à son film ce qui est primordial et payant. Un des plus beaux films de l'année 2014.


Note : 8,5 / 10

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