dimanche 31 janvier 2016

Casino




Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Nicholas Pileggi et Martin Scorsese
Tiré du livre de Nicholas Pileggi. 
Interprétation : Robert De Niro, Joe Pesci, Sharon Stone, James Woods...
Genre : Ouragan Scorsesien 

Synopsis :

La vie et la place de Sam Ace Rothstein dans le Tangiers, un des plus grands Casino de Las Vegas dans les années 70. 

Comme très déçu du peu de succès du Temps de l'innocence, Martin Scorsese s'est alors replongé dans son genre de prédilection pour y déployer sa rage et son énergie. Après Les Affranchis, il retrouve alors Nicholas Pileggi pour une nouvelle adaptation de l'un de ses livres et une plongée dans l'univers de la mafia. Cette fois l'action se passe à Las Vegas dans l'univers du Casino avec De Niro et Joe Pesci en tête d'affiche et une narration proche de la tragédie grecque. 

Au niveau de la mise en scène, le cinéaste jette toutes ses armes, son virtuose et son énergie dans trois heures de cinéma époustouflante dans tous les sens du terme. Casino est le sommet de la carrière du cinéaste, celui où son style illustre de manière forte et mémorable une intrigue Shakespearienne d'une redoutable efficacité. Un peu au même titre que son ami Brian De Palma avec L'impasse sorti à la même période mais dans un ton différent. Scorsese ici allie fresque à l'ancienne et moderne par des séquences d'anthologies qui ne seront jamais égalées, sauf par lui même. 

Comme dans son précédent film, une voix off et un point de vue documentaire nous accroche et nous tire le bras dans les bas fonds de Las Vegas. Tout est speedé, va à l'essentiel pour marquer, choquer et se concentre essentiellement sur le trio de personnages principaux. Scorsese ne fait pas de pitié et signe peut-être son film le plus proche du cinéma de Samuel Fuller qu'il aime tant. Chaque plan est magnétique, chaque séquence est parfaite et le film est un morceau de bravoure absolu, un chef d'oeuvre du début à la fin. Sans hésitation je le qualifie comme un des plus grands films de tous les temps. Contrairement aux Affranchis, le spectateur n'a pas le droit de respirer, il est embrigadé, emporté tel une feuille morte dans la tempête dans une narration dont on connaît la fin mais dont on suit avec passion et violence les péripéties et la dégringolade.

Casino est un film époustouflant de maîtrise. Scénario et montage sont au diapason et quant à la mise en scène de Scorsese, on passe de la fresque classique, que raffole Oliver Stone, au détail qui fait toute la différence. Ces détails sont parfaitement placés et filmés et nous plonge dans l'univers de ces années là tout en nous rappelant que nous sommes chez Scorsese par sa sincérité et son engagement. Scorsese envoie donc la musique, l'humour, la noirceur mais aussi de manière plus subtile avec un travail formidable sur l'image et l'éclairage. Il déploie ce qu'il avait fait dans Le Temps de l'innocence avec beaucoup de jeu de lumières qui permet au spectateur de cerner le non dit, le discours, son ironie et les rapports de forces qui s'inversent. Tous les sens du cinéma sont utilisés et palpables dans Casino ce qui fait un tour de force remarquable, autrement dit un grand film. Le plus grand des années 90. 

Robert De Niro est dans un de ses rôles les plus retenus et paranoïaques de sa carrière, Sharon plus Stone que jamais et Joe Pesci dans son rôle le plus impressionnant pour notre plus grand plaisir. On ne respire paradoxalement que dans une scène qui est celle du désert, mais aussi grâce à la musique du Mépris, Alors qu'il s'agit d'une ultime confrontation entre les deux acteurs, cette scène est le seul calme dans la tempête qui annonce la suite des événements. Pas de musique, un monologue et une tension à la Raging Bull le cinéaste renverse les codes et dépressure à la fois spectateur pour un final qui n'épargne personne. Oui personne car c'est aussi dans ce film que le cinéaste est le plus politique, le plus en colère contre la société mais aussi le plus violent. Il le dit lui même qu'après la scène dans les champs de maïs, il avait atteint son sommet de violence dans sa filmographie et qu'il n'avait plus rien à prouver. Par la suite d'ailleurs, il s'étalera beaucoup plus sur les psychologies des personnages que sur des fait. Sauf pour Le Loup de Wall Street qui est une redite plus ou moins réussie de Casino dans les années 2010 dans le monde de la bourse avec du sexe à la place de la violence et De Niro loyal et charismatique remplacé par DiCaprio opportuniste et lâche.

Casino est le genre de film qui marque, que l'on revoit souvent parce que c'est du grand cinéma, du grand Scorsese et aussi parce que c'est un film intemporel. C'est du Scorsese du début à la fin, pas d'effet de mode, pas d’esbroufe, pas de temps morts, pas de coups de mou et encore moins de clichés exploités. Ce film est impressionnant et exemplaire en tout point. Casino n'est pas une redite des Affranchis, c'est un approfondissement, une fusion entre ce dernier et Le temps de l'innocence qui se termine comme un film marquant et incontournable dans le septième art. A l'heure actuelle c'est la huitième et dernière collaboration entre Scorsese et De Niro. En espérant qu'il y en est une neuvième du même acabit ou tout  au moins pour offrir un dernier bon rôle à Robert De Niro. 

Note : 10 / 10

La dévédethèque parfaite

Les Affranchis de Martin Scorsese, Citizen Kane d'Orson Welles, L'impasse de Brian De Palma, Il était une fois en Amérique de Sergio Léone et Le Parrain de Francis Ford Coppola. 

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