lundi 12 mars 2018

La forme de l'eau ( The Shape of Water)



Plébiscité et considéré d'emblée comme le nouveau chef d'oeuvre de Guillermo Del Toro, La forme de l'eau fait dans tous les cas du bruit et marquera sans aucun doute cette année cinématographique. Ce qui est en soit un exploit pour le cinéma fantastique qui tient bien là son représentant de ces dernières années et il est incontestablement réalisé d'une main de maître par un éternel amoureux du genre. Je reste globalement assez mitigé. 

Après la dégringolade, ou devrais-je dire débandade, du cinéaste sur (l'hideux) Crimson Peak, le revoilà dans le même esprit mais heureusement de manière bien plus inspiré et lyrique. Le cinéaste pousse au paroxysme son univers visuel et métaphorique (c'est visuellement très beau) et reprend l'ensemble de ses thèmes sur l'humain, la monstruosité, y glisse un peu plus de sentiments et une touche de sexualité. Aidé par un Alexandre Desplat en grande forme lui aussi (même si souvent utilisé de manière un peu trop présente) le film trouve un séduisant équilibre et offre une belle synthèse du cinéma de l'auteur. C'est une sorte de revisite de la Belle et la Bête avec des moments de grâces visuelles et musicales indéniables dans un monde toujours âpre, injuste avec une panoplie de marginaux rejetés ou handicapés. Côté casting c'est comme souvent chez De Toro, du solide. La gueule des acteurs font (presque) oublier les personnages qui flirtent avec les caricatures et le manichéisme d'un scénario cette fois bien trop mesuré et sage. 

Ce qui m'a gêné le plus avec ce The Shape of Water est globalement d'avoir un emballage de papier glacé. Exactement ce que je reproche au film de Wes Anderson The Grand Budapest Hotel, ou même Sweeney Todd à Tim Burton, j'ai l'impression d'être devant une synthèse formelle brillante de la filmographie du cinéaste où cette fois tout rentre dans des cases. Il n'y a rien de nouveau à proposer qu'un budget plus imposant. J'ai un peu la désagréable impression d'avoir regardé visionné un "Guillermo Del Toro pour les Nuls" (vous savez le bouquin qui grossit tout pour paraître moins con que t'en a l'air !) Le cinéaste refait ce qu'il sait déjà faire à quelques détails près mais c'est taillé pour le public américain et les Oscars. Alors c'est magnifique, plein d'amour pour le genre et même avec des fulgurances indéniables mais le film ne dégage au final qu'un beau livre d'images et de scènes mais sans grande originalité, ni véritable audace ni authenticité scénaristique.  

On est loin de la subversion et la claque du Labyrinthe de Pan qui lui ne rentre toujours dans aucune case, ni même pour l'irrégulier mais tout de même intéressant L'échine du Diable. La forme de l'eau est un beau film formel de Del Toro avec de belles fulgurances, de belles idées mais, comme l'eau de la baignoire de la créature, je trouve qu'il manque là dedans pas mal de sel (et aussi dans les derniers films du cinéaste) pour y apprécier un contenu bien plus organique et des sentiments forts. On peut effectivement ressentir une forte influence du cinéma de Jean-Pierre Jeunet et Caro. Cependant Guillermo Del Toro a toujours été dans cette même catégorie de cinéaste très graphique. C'est facile de les mettre dans le même panier alors qu'il n'ont pas grand chose à voir si ce n'est ce détail. Dans tous les cas, ils ont une inspiration du cinéma de Terry Gilliam. Cependant ce rapprochement laisse planer l'idée d'imaginer un Alien version Guillermo Del Toro. Une idée qui donnerait une version romantique à la saga ce qui pourrait être intéressante. 

Cependant si j'étais producteur, je proposerais sans hésiter un remake de L'histoire Sans Fin à Guillermo Del Toro. Le cahier des charges correspond pas si mal que ça au cinéaste car quand il est personnel comme sur Shape of Water ou Pacific Rim, il s'en impose quand même un. L'an dernier j'ai eu exactement la même impression à la sortie du film de Bayona avec Quelques minutes après minuit  qui marche sur les pas de Steven Spielberg et de ... Guillermo Del Toro.

Réalisation : Guillermo Del Toro. 
Scénario : Vanessa Taylor et Guillermo Del Toro
Durée : 1 h 55
Interprétation : Sally Hawkins, Michael Shannon, Richard Jenkins, Michael Stuhlbarg...

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