lundi 1 décembre 2014

Night Call ( Nightcrawler )



Réalisation et scénario : Dan Gilroy
Durée : 1 h 55
Interprétation : Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Riz Ahmed, Bill Paxton...
Genre : Les hommes du JT matinal

Synopsis :

Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d'images sensationnelles qu'il vend aux chaînes locales à prix d'or. Lou repousse les limites de plus en plus pour devenir le plus redoutable et le seul à avoir la main sur sa spécialité...

Voilà enfin un polar qui a de la gueule et à commencer par celle de Jake Gyllenhaal au sommet de son art. Si l'acteur nous offre une composition digne de Christian Bale dans The Machinist, tout comme ce dernier il ne porte pas le film car tout est de qualité autour. Night Call s'impose d'emblée comme un polar contemporain culte car il est particulièrement audacieux et virtuose. Une peinture de la société actuelle des médias, du public ainsi que les échelons du monde du travail et de la société au vitriol, un portait psychologique impalpable et effrayant d'un obsessionnel qui réactualise intelligemment les meilleurs personnages du genre (entre La valse des pantins et Le Voyeur entre autre) le tout parsemé d'un humour noir absolument régalant.

Tout commence en bas de l'échelle en quelque sorte, Lou est un voleur et survit en vendant ce qu'il peut notamment du métal, chose particulièrement courante. Pour cela il est prêt à tout même à faire du mal aux innocents. Dès le départ, le personnage regard brillant, sourire de Joker aux lèvres qui met mal à l'aise et opportuniste est planté comme le moteur de l'action. C'est alors que lorsque Lou rentre chez lui il voit autour d'un accident de voiture des hommes filmer une victime agoniser en train de se faire extraire par deux policiers. Il a alors une révélation, il décide de se lancer dans cette activité. Il se prend un associé et continue toujours de se droguer d'internet obtenant vraiment ce qu'il veut quand il le souhaite. Son machiavélisme prend une vitesse de plus en plus effrayante et de plus en plus lourd jusqu'au final d'un cynisme merveilleux et digne à l'âge d'or de la nouvelle vague du cinéma américain des années soixante dix.

Dan Gilroy pour son premier film est particulièrement adroit. Sa mise en scène au départ est un peu instable et a du mal à suivre la teneur de son scénario. Seulement on s'aperçoit que c'est vraiment voulu ensuite car lorsque Lou dit ouvertement à Nina que désormais il soigne le cadre dans ses dernières prises pour que sa choc plus le public, ironiquement tout de suite le film est mieux cadré et surtout mieux réalisé. A partir de là Night Call prend une toute autre ampleur et gagne en cachet d'auteur et de suspense fascinant. Le scénario est aussi abstrait dans la psychologie du personnage effrayant de Lou, de sa manipulation qui devient de plus en plus inhumaine et sans limite qu'il est démonstratif dans sa dénonciation de montrer comment gagner sa vie ou faire tout simplement son self made man actuellement. 

Sous ses allures de thriller choquant et parfaitement orchestré le scénario n'enfonce pas de portes ouvertes comme souvent dans les polars et reste toujours pertinent dans les différents thèmes qu'il aborde. Dan Gilroy n'en fait jamais trop, il s'attache aux émotions du public et à ses différents discours en offrant un portrait de manière aussi classe qu'ambigu, malhonnête et dérangé d'un homme qui réussit simplement sa vie actuellement. Il en profite aussi pour dresser celui de la société. Vachard, cruel et acide mais tellement dans l'air du temps des ces deux dernières décennies, voilà un polar indépendant qui mérite son statut de film culte. Beaucoup moins psychique et viscéral que Taxi driver de Martin Scorsese, Night Call ne peut avoir qu'un obsessionnel au volant la nuit et le portait d'une société à leur époque écrit et filmé de manière intemporelle en commun. En obsessionnel, Gyllenhaal est un mélange efficace, intriguant et surtout insaisissable d'un Rupert Pupkin (La Valse des pantins) et de Mark Lewis (Le voyeur) deux chefs d’œuvres visionnaires et atypique dans le genre.

A la bande son on retrouve l'irrégulier James Newton Howard. Sa bande originale amène une sorte de léger décalage entre la noirceur et l'humour. Bien loin des polars habituels et pompeux. Si elle ne reste pas en tête et n'a rien d'exceptionnel, la musique colle parfaitement au film ainsi qu'à ce "drôle" de personnage. Le cinéaste nous offre un travail de luxe et aussi l'occasion à Gyllenhaal (également producteur) d'avoir un rôle à lui seul à l'image de son talent. Son personnage opportuniste et manipulateur toujours avec de la bonne humeur, de la bonne volonté et le sourire est absolument merveilleux et inspiré. L'acteur est franchement glaçant à l'image du ton de ce film qui oscille en permanence entre le rire et le frisson. Rien que cela comparé a tout le bien pensant que l'on peut voir dans tous les films à grosse ou même production indépendante, Night Call vaut assurément le coup d’œil. Malgré son petit budget le film est très bien fait et tenu et se retrouve cette année avec le dernier David Fincher comme une très agréable surprise particulièrement réjouissante de machiavélisme et d'humour noir.

Hormis Los Angeles la nuit et un producteur en commun Night Call n'a rien à voir avec le divertissement très bien filmé Drive. Encore une promotion nulle car Night Call (Nightcrawler en anglais plus significatif encore une fois) est un film avec du fond moderne, intéressant et futé. Dan Gilroy est un scénariste qui a du cran et s'avère un cinéaste tout aussi choc. Ce film est une bombe que je vous invite à découvrir rapidement, et pour une fois que c'est un film distribué c'est le moment d'en profiter.

Note : 10/ 10

La dévédethèque parfaite :


La valse des pantins de Martin Scorsese, Le Voyeur de Michael Powell ou Des hommes d'influences de Barry Levinson.  

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