Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Paul Schrader
Durée : 1 h 50
Interprétation : Robert De Niro, Cybill Shepherd, Harvey Keitel, Jodie Foster...
Genre : Malaise urbain sous coke
Synopsis :
Vétéran de la Guerre du Vietnam, Travis Bickle est chauffeur de Taxi à New-York. Ses rencontres nocturnes, les violences quotidiennes dont il est témoin lui font doucement perdre la tête. Il va se mettre en quête de sauver une prostituée mineure de ses souteneurs.
Taxi Driver est devenu culte dès sa
sortie. Il a reçu justement la palme d'or du festival de Cannes car
il représente à lui seul toute la génération des années soixante
dix par ses thèmes politiques, sociaux, culturels et psychologiques
de manière aussi virtuose que choquante. Un peu comme Midnight Cowboy de
John Schlesinger ou Easy Reader de Dennis Hopper et bien d'autres
grands films représentatifs de cette nouvelle vague à Hollywood,
Taxi Driver réalisé plus tard reste toujours le premier film phare de la carrière de
Martin Scorsese. C'est un classique incontournable du septième art
autant pour la critique que pour le public du monde entier et qu'il est indispensable
de voir pour les fans du cinéaste comme de cinéma.
Le cinquième film de Martin Scorsese
n'est pas seulement un choc générationnel. Aujourd'hui encore il
fait toujours son effet et possède son charme et son message si viscéral et
atypique. Tout à déjà été dit et redit mainte fois dessus qu'il
serait un peu redondant de tout répéter. Je me permet juste de
rappeler que c'est un film unique et c'est ce qui fait et fera sa
très grande force. Il n'y a aucun film en face de lui pour comparer son
ambiance, ses thèmes et aussi son traitement entre hommage et
plaidoyer sans concession. Il sera une influence indélébile pour toute une génération de cinéastes des années 1990 et 2000.
Martin Scorsese a lu le script de Paul
Schrader et s'est directement identifié auprès des tourments, des
questions de Travis. Le cinéaste échafaude alors ce qui va
être son premier chef d’œuvre. Sans avoir beaucoup de moyens, il
va rendre cette plongée troublante, violente en flirtant avec le
genre du documentaire et des films plus fictifs du western comme au film noir de gangster, influencé par les films de la Nouvelle Vague Française et Italienne. Bercé
par la dernière composition jazzy et enivrante de Bernard Herrmann,
nous suivons un vétéran du Vietnam interprété par un formidable Robert De Niro. L'acteur hante un déstabilisé crédible et
flippant qui nous trouble du début à la fin par ses pensées, ses
constats et ses différents tourments. Martin Scorsese par une sublime mise en
scène qui allie le cinéma moderne et plus ancien ne
manque pas de rendre une dimension fantastique sur cette
réalité noire et pessimiste. On retrouve son ancien acteur fétiche Harvey Keitel une nouvelle
fois présent pour un petit rôle face à son nouveau Robert De Niro une nouvelle fois après Mean Streets. Jodie Foster est découverte par
le monde entier grâce à ce film et fera la bonne carrière qu'on lui connaît. L'interprétation est une nouvelle fois excellente et met en valeur des dialogues à l'instar des images de Scorsese, tranchants et incisifs, tous fruits d'une écriture parfaite.
Beaucoup de scènes cultes tournent
autour de la folie des personnages, toutes ponctuées d'images qui s’imprègnent dans la tête. Le fameux « You talkin' to me ? »
devant le miroir bien évidemment, l'aspirine effervescent dans un verre qui hypnotise
Travis dans un bar, un rencart amoureux dans un cinéma porno mais
aussi une superbe scène interprété le cinéaste lui
même en client de taxi qui flirte entre le voyeurisme et la paranoïa de l'époque. Si
certains effets ont pris un petit coup de vieux, Taxi Driver reste un
film avec beaucoup de fond, de forme et possède surtout une ambiance unique. C'est
un chef d’œuvre qui montre une réalité et qui dresse un constat
de l’Amérique de l'époque comme le fera de manière grandiose et testamentaire Sergio Léone cinq ans plus tard toujours avec Robert De Niro dans Il était une fois en Amérique. On retrouve beaucoup de messages forts
et controversés sur la prostitution, la corruption, la drogue, les
armes et surtout l'après Vietnam dans une société crépusculaire qui peine à
discerner le bien du mal. Un peu comme le font beaucoup de cinéastes
de cette génération comme Coppola, De Palma, Peckinpah, Léone,
Lumet, Aldrich, Friedkin et bien d'autres le rêve américain n'est en réalité qu'un cauchemar. Sans
aller aussi fort que John Frankenheimer ou plus tard David Lynch dans la forme pour
faire ressentir ce cauchemar à l'écran, le malaise installé par
Martin Scorsese est très nuancé et particulièrement subtil. Ce qui ne l'empêche pas d'être tout aussi marquant
et toujours d'actualité de nos jours.
Personnellement je prend toujours
plaisir à ma laisser transporter par Taxi Driver. C'est un peu
regarder un plaidoyer sur les Etats-Unis violent et cynique filmé à la manière d'un film de vampire plus psychologique et sous drogue. Un
peu comme si Nosferatu s'était installé en ville depuis le temps et avait goûté à
la drogue et avait trouvé comme moyen de déplacement et de ravitaillement le plus facile un Taxi. Travis est une personne qui se cherche depuis longtemps et essaie de
trouver les perches pour s'accrocher dans une société instable et sale, qui
s'agrandit et dont le mal est omniprésent. Comme toujours chez Scorsese faut il choisir le bien ou le mal ? Encore faut il dissocier le bien du mal et c'est une autre affaire. C'est un sujet universel
qui touche et touchera toujours. Tous les films générationnels
comme Taxi Driver sont des films qui touchent les gens et avec des
cinéastes qui sont brillants derrière.
Il y a un avant et un après
Taxi Driver. Comme en France dans les années quatre vingt dix il y a
eu un avant et un après La Haine, l'excellent film de Mathieu
Kassovitz qui s'en inspire plus ou moins explicitement. Taxi Driver est un film d'analyse complexe et simple à la
fois. C'est un film violent et intriguant mais il est aussi drôle et possède regard à la fois vachard et très documentaire sur les personnages. L'équilibre est parfait. La fin est
violente, dérangeante, troublante, onirique et marque la signature
du scénariste Paul Schrader et de Martin Scorsese ici dans leur première
collaboration. Le cinéaste livre ici son premier chef d’œuvre qui
en engendrera beaucoup d'autres. La Valse des Pantins et A tombeau
Ouvert sont pour moi ses deux autres Taxi Driver adapté à leur décennie. Différents de genre tous les trois mais ils tournent
autour des thèmes chers du cinéastes et ont des sujets magnifiquement traités : entre folie, onirisme et la quête d'identité. Je recommande cette trilogie à tout le monde, le cinéma de Scorsese ne
s'arrête pas seulement aux films de Gangsters et à Taxi Driver.
C'est bien plus et il serait dommage de s'arrêter simplement ici, car ce n'est que le début du trajet.
Note : 10 / 10
La dévédéthèque parfaite :
La Valse des pantins et A tombeau ouvert de Martin Scorsese, Orange Mécanique de Stanley Kubrick, La Haine de Mathieu Kassovitz, Trainspotting de Danny Boyle, 24 heures avant la Nuit de Spike Lee et Il était une fois en Amérique de Sergio Léone.
Quelques anecdotes :
Les conditions de tournages furent
assez éprouvantes. Il faisait plus de quarante degrés la nuit
parfois, d'où la vapeur des plaque d’égouts dans le générique du
début.
L'équipe était souvent sous drogue ce
qui posait des problèmes à la production car Jodie Foster était
encore mineure à l'époque.
La crête iroquois comme la scène du
miroir célèbre sont des improvisations de dernières minutes de
Robert De Niro.
Hollywood n'a pas payé la ville de New
York pour tourner, en échange elle a assuré le service de ramassage
des déchets du quartier qui était alors suspendu par des grèves d'éboueurs.
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