dimanche 9 août 2015

Taxi Driver



Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Paul Schrader
Durée : 1 h 50
Interprétation : Robert De Niro, Cybill Shepherd, Harvey Keitel, Jodie Foster... 
Genre : Malaise urbain sous coke

Synopsis

Vétéran de la Guerre du Vietnam, Travis Bickle est chauffeur de Taxi à New-York. Ses rencontres nocturnes, les violences quotidiennes dont il est témoin lui font doucement perdre la tête. Il va se mettre en quête de sauver une prostituée mineure de ses souteneurs. 

Taxi Driver est devenu culte dès sa sortie. Il a reçu justement la palme d'or du festival de Cannes car il représente à lui seul toute la génération des années soixante dix par ses thèmes politiques, sociaux, culturels et psychologiques de manière aussi virtuose que choquante. Un peu comme Midnight Cowboy de John Schlesinger ou Easy Reader de Dennis Hopper et bien d'autres grands films représentatifs de cette nouvelle vague à Hollywood, Taxi Driver réalisé plus tard reste toujours le premier film phare de la carrière de Martin Scorsese. C'est un classique incontournable du septième art autant pour la critique que pour le public du monde entier et qu'il est indispensable de voir pour les fans du cinéaste comme de cinéma.

Le cinquième film de Martin Scorsese n'est pas seulement un choc générationnel. Aujourd'hui encore il fait toujours son effet et possède son charme et son message si viscéral et atypique. Tout à déjà été dit et redit mainte fois dessus qu'il serait un peu redondant de tout répéter. Je me permet juste de rappeler que c'est un film unique et c'est ce qui fait et fera sa très grande force. Il n'y a aucun film en face de lui pour comparer son ambiance, ses thèmes et aussi son traitement entre hommage et plaidoyer sans concession. Il sera une influence indélébile pour toute une génération de cinéastes des années 1990 et 2000. 

Martin Scorsese a lu le script de Paul Schrader et s'est directement identifié auprès des tourments, des questions de Travis. Le cinéaste échafaude alors ce qui va être son premier chef d’œuvre. Sans avoir beaucoup de moyens, il va rendre cette plongée troublante, violente en flirtant avec le genre du documentaire et des films plus fictifs du western comme au film noir de gangster, influencé par les films de la Nouvelle Vague Française et Italienne. Bercé par la dernière composition jazzy et enivrante de Bernard Herrmann, nous suivons un vétéran du Vietnam interprété par un formidable Robert De Niro. L'acteur hante un déstabilisé crédible et flippant qui nous trouble du début à la fin par ses pensées, ses constats et ses différents tourments. Martin Scorsese par une sublime mise en scène qui allie le cinéma moderne et plus ancien ne manque pas de rendre une dimension fantastique sur cette réalité noire et pessimiste. On retrouve son ancien acteur fétiche Harvey Keitel une nouvelle fois présent pour un petit rôle face à son nouveau Robert De Niro une nouvelle fois après Mean Streets. Jodie Foster est découverte par le monde entier grâce à ce film et fera la bonne carrière qu'on lui connaît. L'interprétation est une nouvelle fois excellente et met en valeur des dialogues à l'instar des images de Scorsese, tranchants et incisifs,  tous fruits d'une écriture parfaite.

Beaucoup de scènes cultes tournent autour de la folie des personnages, toutes ponctuées d'images qui s’imprègnent dans la tête. Le fameux « You talkin' to me ? » devant le miroir bien évidemment, l'aspirine effervescent dans un verre qui hypnotise Travis dans un bar, un rencart amoureux dans un cinéma porno mais aussi une superbe scène interprété le cinéaste lui même en client de taxi qui flirte entre le voyeurisme et la paranoïa de l'époque. Si certains effets ont pris un petit coup de vieux, Taxi Driver reste un film avec beaucoup de fond, de forme et possède surtout une ambiance unique. C'est un chef d’œuvre qui montre une réalité et qui dresse un constat de l’Amérique de l'époque comme le fera de manière grandiose et testamentaire Sergio Léone cinq ans plus tard toujours avec Robert De Niro dans Il était une fois en Amérique. On retrouve beaucoup de messages forts et controversés sur la prostitution, la corruption, la drogue, les armes et surtout l'après Vietnam dans une société crépusculaire qui peine à discerner le bien du mal. Un peu comme le font beaucoup de cinéastes de cette génération comme Coppola, De Palma, Peckinpah, Léone, Lumet, Aldrich, Friedkin et bien d'autres le rêve américain n'est en réalité qu'un cauchemar. Sans aller aussi fort que John Frankenheimer ou plus tard David Lynch dans la forme pour faire ressentir ce cauchemar à l'écran, le malaise installé par Martin Scorsese est très nuancé et particulièrement subtil. Ce qui ne l'empêche pas d'être tout aussi marquant et toujours d'actualité de nos jours.

Personnellement je prend toujours plaisir à ma laisser transporter par Taxi Driver. C'est un peu regarder un plaidoyer sur les Etats-Unis violent et cynique filmé à la manière d'un film de vampire plus psychologique et sous drogue. Un peu comme si Nosferatu s'était installé en ville depuis le temps et avait goûté à la drogue et avait trouvé comme moyen de déplacement et de ravitaillement le plus facile un Taxi. Travis est une personne qui se cherche depuis longtemps et essaie de trouver les perches pour s'accrocher dans une société instable et sale, qui s'agrandit et dont le mal est omniprésent. Comme toujours chez Scorsese faut il choisir le bien ou le mal ? Encore faut il dissocier le bien du mal et c'est une autre affaire. C'est un sujet universel qui touche et touchera toujours. Tous les films générationnels comme Taxi Driver sont des films qui touchent les gens et avec des cinéastes qui sont brillants derrière. 

Il y a un avant et un après Taxi Driver. Comme en France dans les années quatre vingt dix il y a eu un avant et un après La Haine, l'excellent film de Mathieu Kassovitz qui s'en inspire plus ou moins explicitement. Taxi Driver est un film d'analyse complexe et simple à la fois. C'est un film violent et intriguant mais il est aussi drôle et possède regard à la fois vachard et très documentaire sur les personnages. L'équilibre est parfait. La fin est violente, dérangeante, troublante, onirique et marque la signature du scénariste Paul Schrader et de Martin Scorsese ici dans leur première collaboration. Le cinéaste livre ici son premier chef d’œuvre qui en engendrera beaucoup d'autres. La Valse des Pantins et A tombeau Ouvert sont pour moi ses deux autres Taxi Driver adapté à leur décennie. Différents de genre tous les trois mais ils tournent autour des thèmes chers du cinéastes et ont des sujets magnifiquement traités : entre folie, onirisme et la quête d'identité. Je recommande cette trilogie à tout le monde, le cinéma de Scorsese ne s'arrête pas seulement aux films de Gangsters et à Taxi Driver. C'est bien plus et il serait dommage de s'arrêter simplement ici, car ce n'est que le début du trajet. 

Note : 10 / 10

La dévédéthèque parfaite : 

La Valse des pantins et A tombeau ouvert de Martin Scorsese, Orange Mécanique de Stanley Kubrick, La Haine de Mathieu Kassovitz, Trainspotting de Danny Boyle,  24 heures avant la Nuit de Spike Lee et Il était une fois en Amérique de Sergio Léone. 

Quelques anecdotes :

Les conditions de tournages furent assez éprouvantes. Il faisait plus de quarante degrés la nuit parfois, d'où la vapeur des plaque d’égouts dans le générique du début.
L'équipe était souvent sous drogue ce qui posait des problèmes à la production car Jodie Foster était encore mineure à l'époque.
La crête iroquois comme la scène du miroir célèbre sont des improvisations de dernières minutes de Robert De Niro.
Hollywood n'a pas payé la ville de New York pour tourner, en échange elle a assuré le service de ramassage des déchets du quartier qui était alors suspendu par des grèves d'éboueurs. 


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